Une proposition de l’Atelier de Musique du Havre et de PiedNu

Clarinettiste, improvisateur et pédagogue appré­ciant également Coltrane et Stravinski, François Lebègue est bien connu des mélomanes du Fort de Tourneville puisqu'il dirige, avec Jean-Paul Buisson, cet Atelier de Musique du Havre dont on sait l'implication dans le festival. Toujours prêt pour l'aventure, il a donc aussitôt proposé d'inaugurer ce nouveau lieu de concert.

La musique a un corps, le saviez vous ? Du GRM à l'IRCAM, Roland Cahen ne cesse d'adapter sa démarche à ses recherches afin de donner corps à la vibration et de créer une véritable chorégraphie audible du son. C'est donc à lui que nous avons pensé pour donner vie aux quelque cinquante enceintes de l'acousmo­nium installé pour l'occasion au Tetris et entrer en résonnance avec le corps pluriel de l’auditeur. rolandcahen.eu

Hubert Michel fait partie intégrante de l'équipe PiedNu, et c'est lui qui, pour un soir, va inter­préter à l'acousmonium quelques pièces récom­pensées par la Fondation Destellos pour la musique électroacoustique. Des compositeurs rigoureusement contemporains, Italiens, Roumains, Argentins, Anglais ou Français, qui développent un univers sonore dont la sensibilité vient puiser à la source de notre inconscient.

Will Guthrie n'est sans doute pas un inconnu des habitués de PiedNu, mais sa passion pour le gamelan de Java risque néanmoins d'en surprendre plus d'un. Il a d'ailleurs fallu nombre de séjours en Indonésie et de recherches sur la musique et la culture de ce pays pour que ce percussionniste, né à Melbourne, s'autorise à combiner les éléments de la tradition javanaise à son approche unique de la batterie et souhaite rendre justice à la singularité de cet ensemble de métal, de bois et de peau considéré comme un seul instrument, mais joué à plusieurs. En l'occurrence huit musiciennes et musiciens qui envahissent l'espace sonore du Théâtre des Bains-Douches sur toutes ses strates et dans toutes ses dimensions, jusqu'au ravissement. *Nist-Nah : Prune Bécheau, Charles Dubois, Camille Émaille, Stéphane Garin, Carla Pallone, Mark Lockett, Arno Tukiman. Extrait

En complément de son travail de clarinettiste qui, depuis sa rencontre avec Fred Frith, l'a mené jusqu'au Tentet de Joëlle Léandre et au grand ensemble ONCEIM, voué à la création collective d'un répertoire contemporain, Jean-Brice Godet a développé pour ce projet Épiphanies un set de dictaphones, de radios et de répondeurs téléphoniques avec lequel il explore un langage plus proche de la musique concrète que d'un quelconque jazz, si libre soit-il. Sa prestation solitaire apparaît donc comme une sorte de journal intime, aussi drôle que mélancolique, dans lequel il creuse le thème de la révélation, cette évidence qui nous saisit parfois devant une oeuvre, un travail, un son, une parole dite ou entendue et qui nous entraîne, dès lors, vers un ailleurs dont on ne pouvait soupçonner l'existence. extrait : Jean-Brice Godet, Épiphanies

Que serait la joie poussée dans ses retranchements.? Cette interrogation est à la source de Muyte Maker, polyphonie polyrythmique que règle - ou plutôt dérègle - Flora Détraz, en complicité avec trois danseuses et musiciennes, Mathilde Bonicel, Inès Campos et Agnès Potié. La choré­graphe y poursuit l’exploration des jeux de dissociations et d’associations du corps et de la voix et franchit les frontières, à peine visibles, au-delà desquelles la joie, état positif, solaire et bienveillant, se mue en ses contraires.: malveillance, grotesque et tragique. Dans la lignée de femmes chorégraphes comme Maguy Marin ou Marlene Monteiro Freitas, Flora Détraz décape le rire et la gaieté jusqu’à l’os, jusqu’au râle et, en creu­sant le répertoire médiéval des chansons paillardes et à boire, campe un imaginaire peuplé de sarabandes échevelées, de grincements de dents et d’éclats de folle innocence. teaser "Muyte Maker"

Benjamin Bondonneau est un musicien plasti­cien qui pétrit les matières sonores ou picturales avec la même puissance qu'il construit sa maison ou retourne sa terre de Dordogne. Improvisateur militant, il inscrit sa clarinette dans les contextes les plus divers, du solo intégral au Grand Ensemble… Un artiste en phase avec le réel qui apprécie plus que tout l'intimité du soliloque et la complicité d'un public à l'écoute. benjamin bondonneau

Entre cuivres, pierres et peaux, bruissements de fougères et souffle incandescent, percussions et saxophones puisent l'organicité de leur chant à la source d'une nature en pleine vibration. Du vent dans les arbres à l'eau ruisselant sur les roches, leur imaginaire se nourrit de paysages et dissipe dans l'instant la fulgurance poétique de résonnances immédiates aussi furtives qu'essentielles. mathieubec.bandcamp.com soundcloud.com/guy-frank-pellerin

Marta Zapparolli est une artiste sonore installée à Berlin depuis 2007, dont le travail consiste essentiellement à composer des pièces très évocatrices de notre environnement à partir de systèmes d'enregistrement et de micros bricolés selon les techniques les moins conventionnelles. Passionnée par les relations entre les bruits concrets du quotidien et la pollution sonore des radios et de la téléphonie sans fil, elle oriente depuis peu ses recherches vers les sons inaudibles et leur interférence sur nos sens et notre perception de la réalité. Ses prestations scéniques évoluent de plus en plus vers une forme de performance au cours de laquelle elle improvise et compose, à partir de bandes Revox manipulées en temps réel, des pièces instantanées d'une puissante évidence narrative. martazapparoli.bandcamp.com

Cet atelier est un partenariat entre l'association PiedNu et l'hôpital psychiatrique Pierre Janet. Initié et encadré par Arnaud Le Mindu, musicien et pédagogue, ce projet a pu bénéficier pour sa deuxième année du dispositif Culture Santé du Groupe Hospitalier du Havre. «.L'atelier chez PiedNu est hautement inspirateur de bonne humeur, riche en vie, en émotions abruptes. Chaque mardi nous improvisons, des touches sont appuyées, parfois hasardeuses, mais justes et enjouées. Chacun est là, à sa place et vivant. Le groupe est bienveillant et important d'enseignements. À chaque séance passée, la vie est relevée.». (Florent, participant aux ateliers)

Si la notion de pointillisme définit aussi bien une musique qu'une peinture, elle semble particulièrement adaptée au travail de François Buffet. En effet, la précision des paramètres impliqués dans les compositions de ce rouennais récompensé en 2018 et 2019 du prix Russolo, dédié aux musiques électroniques et électroacoustiques, ne peut être que l'aboutissement d'années de recherche et le fruit d'un perfectionnisme dépassant l'idée même de perfection. On comprend mieux, dès lors, son attirance pour une forme de quête d'absolu qui marque profondément son esthétique et détermine l'ampleur de son univers sonore… Et si l'on considérait le concert comme la restitution de forces créatrices élaborées, lors d'un échange avec les perspectives cosmiques, dans l'atelier du compositeur? FrançoisBuffet.com

Inscrit depuis l'époque baroque dans l'ADN de la musique classique, le quatuor à cordes nous réserve encore bien des surprises, surtout lorsqu'il est, comme ici, mené par quatre femmes ne rêvant que d'improviser à quatre voix dans l'instant T de l'écoute. Particulièrement attentives au geste et à son déploiement dans l'espace, elles développent une écriture ancrée dans un son d'ensemble où convergent et se superposent des textures résolument complémentaires, riche d'une matière sonore qui se déploie continuellement, vivante et mouvante à l’intérieur même de sa propre transformation… Ne nous étonnons donc pas si l'auditorium du Conservatoire Arthur Honegger vibre, ce soir-là, d'une synergie toute singulière.
Quatuor L.G.B.S : Soizic Lebrat, Anouck Genthon, Patricia Bosshard, Marie Schwab c/o Anouck Genthon.com

Il y a donc Camille Émaille, percussionniste en musiques contemporaines et improvisées, qui n'aime rien tant que les concerts sauvages en des lieux insolites. Il y a encore Hans Koch qui, depuis plus de trente ans, s'est imposé comme l'un des bois à improviser les plus novateurs d'Europe, de Cecil Taylor à Barry Guy en passant par le trio Koch/Schütz/Studer. Il y a enfin DIEB 13, a.k.a. Dieter Kovacic, dont les platines invitent sans doute plus au rêve qu'à la danse et qui s'inscrit lui-même dans une démarche rigoureusement expérimentale. Un trio en gestation à l'heure où nous écrivons, qui promet néanmoins de nous entraîner vers les sommets d'un art sonore aussi radical que définitif!
CamilleEmaille.com |+| Hansko.ch |+| Dieb13.klingt.org

Reel to reel est un diptyque composé de deux films réalisés par Stefano Canapa en collaboration avec le musicien Jérôme Noetinger. ".Reel to reel tape recorder." désigne, en anglais, l'instrument utilisé par Noetinger, un magnétophone à bande avec lequel il joue et improvise. Le titre fait aussi référence à la bobine de la bande magnétique, sur laquelle est enregistré le son et à partir de laquelle il est diffusé, et à la bobine du film argentique, support de l’image. L'ordre de projection des deux films, inverse à celui de leur chronologie de fabrication, nous permet de voir d'abord, avec The Sound Drifts, l'image de ce que l'on entend, puis d'écouter la même bande-son en découvrant les gestes qui ont permis de la façonner, avec Jérôme Noetinger, un portrait du musicien à l’oeuvre.
2020 / 35mm / n&b / sonore / simple écran / 20' 00
Fiche cinéaste chez Light Cone

En équilibre sur le fil de sa «.contradiction créative.», la vocaliste Maggie Nicols se veut aussi présente que possible au déroulement de chaque instant et se nourrit de tout ce qui surgit, de sons abstraits, de fragments mélodiques et de mouvements tracés depuis l'expérience vécue et la mémoire, collective ou personnelle, d'un demi-siècle passé à semer du poil à gratter dans le dos des convenances. Une pionnière de la free music européenne révélée à vingt ans dans le Spontaneous Music Ensemble de John Stevens et qui, de performances expressionnistes mâtinées de folk, de Vaudeville et de blues des mines, en formations féministes iconoclastes, perpétue à jamais l'insolence et la verve de cette esthétique de l'urgence.
voir le portrait de Maggie Nicols en concert (extraits) et.. Maggie Nicols évoque sa pratique

Un peu de poésie ne saurait nuire, surtout lorsqu'il s'agit de la poésie-action de Charles Pennequin, dont la dimension performative induit la proféra­tion nécessaire d'un texte qui ne peut demeurer enfermé dans la page. Son écriture se situe peut-être dans le prolongement d'une rencontre entre poètes sonores et avant-gardes textuelles, mais surtout, les mots dits sont passés à la moulinette d'une parole improvisée dans le feu de l'instant et dont l'anti-lyrisme invoque aussi bien son intérêt pour la banalité que son rejet du style, sa méfiance envers le «.harcèlement textuel.» et sa passion pour «.tous les parlers qui font des trous.». La poésie d'un Charles Pennequin tient autant de la caisse à outils que de la «.voix-de-l'écrit.» www.charles-pennequin.com

La noise dans toute sa démesure.! Trois amplis en fond de scène, portes ouvertes sur l'abîme, et deux guitaristes, forgerons de l'extrême qui saisissent à mains nues le métal en fusion. Dans cet atelier en ébullition, se trouvent, à ma gauche, Bubu Pagier, facteur d'instruments bruts, chercheur ès sonorités, artiste polymorphe entre free, rock et poésie chez URGE ou Bavoir, qui découpe dans l'acier les plaques rougeoyantes bientôt fracassées aux pieds de son comparse et, à ma droite, Erik Minkkinen, alchimiste du tumulte depuis près de trente ans chez Sister Iodine, qui transcende le chaos par sa maîtrise du larsen et son aptitude à gérer les séismes qu'il a lui-même engendrés. Un ring sidérurgique où situer enfin La Divine Comédie !
bandcamp Grifu

En cette soirée particulière­ment généreuse en décibels, Théo Hudebine, a.k.a. Fleuret, explore une autre paroi de cette noise guitaristique dont Grifu sonde également les abîmes. Il s'agit, cette fois, d'un versant plus saillant, hérissé de maintes pointes d'acier, à la roche glis­sante secouée d'infimes soubresauts. Derrière les frémissements de cette matière fébrile, ciselée au poinçon, grondent pourtant les prémisses de nouvelles perturbations dont on craint l'irruption autant qu'on la désire. En effet, nous savons que, si nous tendons l'oreille au-delà du tumulte, les alliages constituant la nature même du bruit nous apparaîtront dans toute l'évidence de leur beauté… Encore faut-il que nous osions traverser le mur du son !
bandcamp Fleuret

Une guitare entre les mains, deux autres posées à ses pieds, quelques ressorts, résonateurs, couteaux, archets ou jouets divers pour que vibrent les cordes et sympa­thisent les résonnances, Greg Malcolm use d'un matériel changeant et d'une grande variété de timbres pour aboutir à une forme hypnotique fondée sur la réitération de mélodies impalpables auréolées de drones acoustiques. Ce musicien, qui nous vient de Nouvelle-Zélande, aime à penser que chaque son obéit à un mouvement précis et dépend également de l'outil choisi dans l'instant. Quelque part entre blues, musique répéti­tive et approche cagienne de l'instrument préparé, son univers évoque à la fois l'infinitude du désert et les cahots de la piste. Extrait Live de Greg Malcom au festival Câble

Victoria Shen se passionne pour la composition physique du son, sa diffusion dans l'espace et leur implication sur le corps humain. Son synthétiseur analogique, libéré des contraintes harmoniques et rythmiques, envahit le lieu de la performance et, induisant les réactions gestuelles de chacun, ses déplacements ou sa fixité, en vient à littéralement façonner l'auditoire, à le modeler tel un sculpteur. www.evicshen.com/sound.php

Ateliers
Le festival PiedNu est aussi un moment de rencontre entre les artistes et le public. Des ateliers de pratiques artistiques pour des amateurs de tous horizons sont organisés pendant toute la durée du festival : des écoliers sont invités au MuMa pour un atelier d'art plastique et musique, le Tetris organise pour des lycéens un temps de découverte autour de l'acousmonium les 24 et 25 mars. Un public d'adultes et d'adolescents est convié au Phare-CCNHN pour un Masterphare mercredi 1er avril .Cette année les musiciennes du quatuor LGBS invitent les participant.e.s à jouer avec elles et à expérimenter le matériau sonore par le geste et des formes de jeu collectif par le mouvement..

Journée professionnelle de l'ODIA Normandie : Musique en Jeu(x) #3
À l’initiative de l’ODIA Normandie une journée d’information professionnelle aura lieu dans les locaux du Tetris. Ce troisième atelier du cycle est consacré à la musique brute et à la médiation auprès des personnes en situation de handicap. Clément Lebrun, musicien et producteur radio, viendra animer cette journée d’étude Musique en Jeu(x) #3 Lundi 30 mars 2020